Pas de panique ! Certes, la consommation des antidépresseurs les plus courants, dits inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine tels le Prozac, augmentent de 40 à 50 % les risques d’hémorragies cérébrales. Mais comme les probabilités sont très faibles au départ, elles le restent à l'arrivée... Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir.
Les Français figurent parmi les plus grands consommateurs d’antidépresseurs. Or, une étude canadienne menée par des chercheurs de la Western University vient de révéler que certains d’entre eux, de la famille des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), augmentent de 40 à 50 % les risques d’hémorragies cérébrales, conduisant à unaccident vasculaire cérébral (AVC). Pourtant, malgré l’inquiétude qu’une telle découverte laisse présager, les spécialistes sont sereins : il n’y a aucune raison d’arrêter les traitements.
Parmi les ISRS les plus célèbres, on trouve la fluoxétine – le principe actif duProzac – ainsi que la sertraline, le citalopram ou la paroxétine. Ceux-ci étaient déjà connus pour les risques de saignements à l’estomac que leur consommation engendre, mais des travaux contradictoires ne permettaient pas de conclure quant à leur effet sur le cerveau. Cette nouvelle recherche, publiée dans le journal Neurology, suffira-t-elle à clore le débat ? Pas sûr…
Des risques d’hémorragies cérébrales augmentés de 40 à 50 %
Ces conclusions, les scientifiques les doivent à la méta-analyse de 16 études rédigées dans le passé. Elles concernent plus de 500.000 personnes. En comparant l’incidence des hémorragies cérébrales chez des patients sous antidépresseurs avec des sujets témoins, des chiffres précis ont pu être avancés. La consommation d’ISRS est associée à une augmentation du risque de saignement intracérébral de 42 % et monte même à 51 % pour les hémorragies intracrâniennes.
Cette tache blanche dans le cerveau met en évidence du sang consécutif à une hémorragie cérébrale, entraînant la formation d'un œdème (flèche du haut). En plus des risques de compression de l'encéphale, ces saignements empêchent les nutriments et l'oxygène de parvenir jusqu'à certains neurones qui finissent par dégénérer. © James Heilman, Wikipédia, cc by sa 3.0
Cependant, ce type d’accident vasculaire se manifeste très rarement. Selon les auteurs, ils concernent 24,6 personnes pour 100.000 habitants et par an en temps normal. Avec ces médicaments, les probabilités augmentent d’environ 10 pour 100.000 habitants, ce qui reste très faible. Ainsi, les spécialistes invitent les personnes en cours de traitement à ne pas s’inquiéter outre mesure.
D’autre part, les hémorragies se produisent majoritairement dans les premiers temps de la thérapie. Même si on ne connaît pas tout des secrets des ISRS, ils semblent notamment affecter l’agrégation plaquettaire dans la circulation sanguine. Or, cet effet serait d’autant plus marqué dans les quelques semaines suivant le début de la prise médicamenteuse.
Des antidépresseurs à ne pas bannir
Cette recherche souffre tout de même de quelques lacunes, que les auteurs reconnaissent. En effet, ils auraient souhaité intégrer d’autres facteurs pour s’assurer que le mode de vie des patients ne pouvait pas être la cause de ces risques plus importants d’hémorragie cérébrale. Mais seules cinq des études analysées considéraient la consommation tabagique ou alcoolique, le poids ou les maladies chroniques telles que le diabète de type 2. Ils ont donc fait sans. Il reste ainsi des précisions supplémentaires à apporter…
Pour l’heure, ni les auteurs ni les spécialistes ne préconisent le retrait de ces médicaments. Ils ont en effet montré leur innocuité et leur efficacité dans le traitement de la dépression, une maladie qui toucherait plus de 350 millions de personnes dans le monde. En revanche, ce travail pourrait inciter les psychiatres à se montrer plus attentifs au moment de prescrire ces ISRS. En effet, certaines personnes sont plus sensibles aux risques hémorragiques, pour des raisons physiologiques ou du fait de la consommation d’autres médicaments, comme l’aspirine. Ces données pourraient davantage être prises en considération au moment du choix du traitement antidépresseur. Car les ISRS ne sont pas les seuls sur le marché.