La sonde spatiale Rosetta s'est réveillée le 20 janvier 2014. A 11h, heure de Paris et...à 807 millions de kilomètres de la Terre, dans un froid glacial et le vide interplanétaire.AJout à 19h18 : tout le monde saute de joie et se congratule dans la salle du Centre de contrôle des opérations de l'Esa à Darmstadt: "Il semble que nous ayons un signal" lance la speakrine de l'ESA sur la télé interne...
C'est fait, Rosetta a survécu à son hibernation et va maintenant tester ses instruments avant de peaufiner sa trajectoire pour aller rejoindre la comète, distante de 10 millions de kilomètres.
Pour avoir vécu le lancement de la sonde (pour la petite histoire, les reports successifs avaient fait que nous n'étions qu'une poignée de journalistes au moment du tir dans la salle Jupiter de Kourou), c'est avec un pincement au coeur que j'attendais le signal...
Elle où se trouve là, après déjà 7 milliards de kilomètres parcourus pour son voyage vers la comète Churyumov-Gerasimenko. Le sommeil dont elle doit se réveiller est profond : une hibernation de trente et un mois. Mais ce n’est que vers 17 h 45 que Rosetta a envoyé vers la Terre un signal montrant qu’elle s’est bien réveillée. Quarante-cinq minutes après, le temps que son message avale les kilomètres à la vitesse de la lumière, il parvient aux «grandes oreilles» de la Nasa (l'antenne de Goldstone en Australie) et de l’Agence spatiale européenne (ESA). Puis sera réceptionné au centre d’opérations allemand de l'ESA, à Darmstadt. Cette note sera mise à jour au fur et à mesure que les informations sur le réveil de Rosetta nous parviendront. Il est possible de les suivre sur le blog Rosetta de l'ESA ou ici.
Dès que le signal de la sonde sera arrivé les astronavigateurs de l’ESA pourront se détendre, comme les astrophysiciens européens, dont nombre de Français à Orsay, Paris, Toulouse ou Grenoble, engagés dans cette mission spectaculaire, complexe et risquée. Car nul ne saavit si Rosetta vivait encore, puisque toute communication avec la Terre est stoppée depuis deux ans et demi. A bord, seuls le calculateur et un chauffage minimal des réservoirs d’ergols fonctionnaient. Une conséquence du dogme antinucléaire de l’ESA qui s’interdit d’embarquer des générateurs au plutonium, comme pour les missions lointaines de la Nasa. Or, explique Vincent Guillaud d’Astrium (concepteur et fabricant de Rosetta), à plus de 800 millions de kilomètres du Soleil, ses panneaux solaires ne lui fournissaient que «400 watts, 4 % de leur puissance près de la Terre». Mais Rosetta suit maintenant une trajectoire qui la rapproche petit à petit du Soleil : elle en est distante de 675 millions de kilomètres et peut désormais compter sur une puissance croissante. Dès que deux des quatre horloges de bord ont donné le top pour que le réveil La comète vue par Hubblesonne, «Rosetta va se réchauffer, mettre en service son senseur stellaire pour calculer sa position et son orientation, annuler sa rotation et pointer son antenne vers la Terre», me récisait l’ingénieur avant-hier.
Après ce réveil, Rosetta, sous la coupe des ingénieurs de l'ESA alors une longue série de vérifications de la sonde et de ses onze instruments, dont certains ont servi en 2008 et 2010 lors du survol de deux astéroïdes, Steins et Lutetia. Puis Rosetta braquera ses caméras sur la comète, qui se trouve à 10 millions de kilomètres d’elle et dont, aujourd’hui, de la Terre, les astrophysiciens ne connaissent la position qu’à 10 000 km près. Or, la sonde doit s’en approcher, en ralentissant progressivement de mai à juillet, à 100 km seulement. Seules ces premières observations permettront de calculer avec précision les coups de frein nécessaires pour ajuster la vitesse de Rosetta à celle de la comète.
ESOC, le centre de contrôle de l'ESA à Darmstadt
Ensuite, d’août à novembre, Rosetta doit se positionner à 10 km du noyau cométaire, en réaliser une carte précise, mesurer sa rotation et son champ gravitationnel. Puis se mettre en orbite autour et enfin, en novembre, envoyer se poser sur l’astre l’atterrisseur Philaé, la phase la plus risquée, inédite, de la mission. Le robot doit en effet s’accrocher à une surface dont les caractéristiques physiques et mécaniques sont inconnues, à l’aide de harpons. Si l’opération réussit, il pourra forer la glace de la comète et l’analyser avec ses instruments.
Durant toute cette période, la comète sera encore endormie, froide, car trop loin du Soleil. Puis, de l’hiver 2014 à l’été 2015, elle va s’approcher de notre étoile jusqu’à une distance similaire à celle de la Terre. Au fur et à mesure, le corps de glace sale, garni de poussières et peut-être d’un cœur rocheux, va se réchauffer. La comète deviendra de plus en plus lumineuse, s’ornera d’une chevelure, un halo de gaz et de poussières, et formera deux queues, l’une de gaz et l’autre de poussière, dans la direction opposée au Soleil. L’espoir des astrophysiciens est que Rosetta survive à cette épreuve et suive de très près l’évolution de la comète tout au long de ce périple. (A gauche, image d'un article du 9 septembre 2003 où je relatais la décision de l'ESA de donner un nouvel objectif, la comète Churyumov-Gerassimenko, à Rosetta, après l'abandon de l'objectif initial, la comète Wirtannen à la suite de la défaillance d'une Ariane-5 et le report du lancement de la sonde).
L’enjeu scientifique est à la hauteur du milliard d’euros investi dans une mission dont le feu vert remonte à 1993. Les comètes conservent en effet certains des secrets de la formation du système solaire, il y a 4,6 milliards d’années. Le bombardement cométaire des débuts du système a participé à la formation des océans de la Terre. Puis, peut-être, à l’émergence de la vie, par leur apport de matière organique et, surtout, de chaînes moléculaires complexes, à ces mêmes océans. Or, jusqu’à présent, les robots n’ont pu que passer rapidement à leur portée, comme la sonde européenne Giotto en 1986.
Avec Rosetta, l’étude détaillée de la comète durant des mois et, surtout, l’identification in situ par Philaé de ces molécules complexes, apporterait un élément décisif au débat scientifique sur les origines de la vie. L’observation d’un anneau cométaire autour des étoiles Fomalhaut A et C montre de surcroît que ces astres sont communs dans les systèmes solaires de la galaxie.
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